mercredi 2 février 2011

J'aime le goût du sang, au petit matin !

Je les avais repérée depuis belle lurettes, les garces. Elles sont arrivées d'Espagne, en cati-mini, dans la première moitié du XXème siècle et elles la jouent à la discrète, toute l'année, pour se pointer en plein hiver. Toujours quand on a besoin d'elles. Parce qu'elles le savent, j'en suis sûr, qu'elles sont attendue chaque année. C'est quand le monde a besoin du maximum de vitamine C, pour se protéger des divers virus qui traînent insidieusement, qu'elles viennent faire les belles sur les étales de vos commerçants. Cette année, les oranges sanguines, je les attendais du coin de l'œil.
Début février, on sent toujours un peu la déprime poindre comme une envie de crime. Le crime, aujourd'hui, j'ai envie de m'y exercer sur elles. Parce qu'elles ont cette prétention dérangeante de faire courir le bruit que ce sont elles, les fameuses pommes d'or du jardin des Hespérides. Franchement ! Nous faire croire que le musculeux Hercule les cherchait elles et pas une véritable pomme... Faut être sévèrement gonflé du bulbe pour sortir ça sans s'étouffer avec ses pépins, non ?
Toujours est-il que dés que je les ai vu arriver dans mes dernières livraisons la démangeaison meurtrière s'est éveillée et elle n'a cessé de croître... jusqu'à aujourd'hui.
Sans qu'elles s'y attendent, j'en ai choppé un bon kilo, je les ai bâillonnées et je les ai ramenées chez moi. J'ai jeté mon dévolu sur la famille Sanguinello. Ç'aurai pu être les filles des Tarocco, les plus riches en vitamine C, mais je n'ai pas encore l'envergure suffisante pour ça...
Au cœur de ma cuisine, je les ai trouvées imperturbables. La main tremblotante d'excitation, je les ai prise une a une et, de mon Opinel fraîchement affûté, je les ai tranchées en deux et j'ai fait couler leur sang... enfin leur jus, pardon (environ 600 ml) ! N'ayant soif que de leur hémoglobine, j'ai pris soin d'en retirer la pulpe. La pulpe, je n'aime pas ça. Mais j'ai malgré tout garder un peu de sa peau, un pas grand' chose du zeste d'une de mes victimes. Je suis un gourmet un rien fétichiste. J'aime remettre un peu de corps au nectar de ces dépouilles.
Tant de sang ne saurait me contenté, limité à ce seul sort. Je l'ai versé dans une casserole, y ai ajouté un verre (à liqueur) et demi de sucre de canne liquide et l'ai porté à ébullition. Auparavant, je dois l'avouer, j'y ai ajouter un sachet de poudre blanche... Pas de la drogue, non ! Je ne suis pas de ceux qui marchent à la dope. Je parle d'agar agar, un algue réduite en poudre, qui n'a ni goût ni odeur et qui a la faculté de gélifier après cuisson (2-3 grammes suffisent pour 1/2 litre de préparation). J'ai trouvé ma dose dans un magasin bio mais il me semble que la substance se trouve un peu partout, de nos jours. S'agit de connaître les bons dealers ! J'aurai pu utiliser de la gélatine, comme le commun des mortels, mais non ! Pas envie d'un goût de charogne à ce suc sanguinolent.
Alors que j'ai fait bouillir le sang de mes oranges pendant 30 secondes, j'ai entre temps sorti des pots de yaourt en verre. En bon criminel, j'ai un instinct de conservation quasi maniaque. Ces pots sont des reliques d'anciens forfaits acheter à la va-vite, entre deux rayons crèmerie.
J'ai versé le sang bouillonnant dans cinq verres. Je l'ai laissé refroidir puis j'ai planqué les preuves dans mon réfrigérateur pendant une nuit entière.
Ce matin, j'ai avaler les dernières traces de mon crime. Enfin, deux pots seulement. Le goût du meurtre avait quelque chose de délicieusement honteux. Accompagné d'un carré de chocolat, ça tient du péché originel.
Cette gelée d'orange sanguine (genre Mister Jelly !) m'a pris un gros 30 minutes en pressage manuel et cuisson. Une nuit de refroidissement... 2 minutes de délectation matinale pour une matinée en pleine forme...
Prêt à accomplir d'autres méfaits...

Reste plus qu'à être jugé... Pas par les forces de l'ordre, qui n'ont pas eu vent de mes actions ! Mais votre jugement à vous, lecteur...

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