jeudi 24 février 2011

La romance peut naître d'une mangue en promo...

Une des jolies facettes bien sympa de mon métier, c'est que je suis le premier en lisse pour avoir accès au bonnes affaires ! Le grosses offres promotionnelles, quand on est primeur, on les subit de plein fouet (du gros boulot en perspective !) mais on les apprécie beaucoup aussi, surtout quand on est aussi fine gueule que votre serviteur ! Du coup, quand le bon de livraison du jour, tendu d'une main leste par ma chef, indiqua 236 colis de mangue en provenance de l'Equateur, j'ai eu le pas et l'âme oscillants ! La meilleure période pour les exotiques, c'est l'hiver ! De fait, je saute les deux pieds dedans et à 1€50 les 3 mangues petit calibre (environ 1,2kg), je ne me suis pas fait prier. Alors ce n'est pas de la grande qualité, je ne vais pas mentir. Ce n'est pas de la mangue murie sur l'arbre, c'est du produit récolté vert importé par bateau, à la chair très ferme... mais c'est justement parce que c'est ce genre de produit qu'on peut se permettre un truc un peu extravaguant !
Et comme un petit bonheur n'arrive jamais seul (de temps à autres, je sais apprécier les plaisirs simples de la vie) mon pote Jéjé, restaurateur de son état, m'a fait cet énorme cadeau de deux gousses de vanille en provenance directe de Martinique. Mon sang n'a fait qu'un tour, direction ma cuisine pour une mangue rôtie.
Je ne m'y étais encore jamais aventuré, à ce genre de rencontre amoureuse arrangée. Là, c'est moi l'entremetteur.
La place un peu chaudasse, c'est ma poêle. La bonne meuf, c'est une mangue épluchée à vif et habillement dénoyautée. Le gosse beau, c'est cette jolie gousse de vanille à la peau dorée, chemise ouverte (parce que j'ai fendu la bête d'un coup de couteau). L'air de zik façon Barry White, c'est une grosse noisette de beurre. Quand la belle meuf s'est vêtue façon steak (j'ai tranché la mangue en filets), elle s'est lancée sur la piste de danse en se dandinant sur Can't get enough of your love, Babe.
C'te belle meuf, elle hante nos échoppes depuis le XVème siècle dans notre vieux continent mais on parle d'elle depuis l'avènement du bouddhisme. Et bizarrement, ce n'est qu'au XIXème siècle qu'elle est importée en Amérique. Aujourd'hui, elle traîne un peu partout, provenant de toutes les contrées tropicales et sub-tropicales.
Elle se la pète un peu depuis mais elle peut se le permettre parce qu'elle est plutôt riche en bêta-carotène, en vitamine A et C et qu'elle se défend pas mal contre les radicaux libres (ces sales bêtes qui ont une fâcheuse tendance à foutre notre santé en l'air).
Ce soir, quand elle s'empourpra par l'effort d'une soul endiablée, le beau gosse s'est lancé (j'ai récupéré les grains de vanille et grattant d'une traite la gousse fendue et les ai rajoutés dans la poêle)... Dés lors qu'ils se sont enlacés langoureusement, je les ai couchés dans une assiette creuse. J'ai ensuite conservé les traces de leur amour naissant (le jus de la mangue), j'y ai ajouté deux cuillères à soupe de sucre afin de transformé ces traces en une sorte de sauce caramel. J'ai nappé le tout avec ce dernier. Il restait encore un peu de beurre dans le fond de la poêle, j'avais de plus quelques tranches de pain multi-céréales. J'ai donc fait frire trois tranches. Un peu de croustillant succulent pour accompagner ce qui va s'avérer être un couple divin. Alors, oui, cette romance n'est pas très diététique mais pour une fois, on s'en fout. Ce qu'il y a de meilleur dans la tentation, c'est d'y céder, susurrait en son temps Mister Wilde ! Une mangue rôtie sur lit de pain croustillant, en 10 minutes... c'est peut-être une des meilleures démonstrations de cette citation.

Dites m'en des nouvelles, à l'occasion.

P.S.: Retrouvez encore d'autres idées pour préparer ce truc de fou qu'est la mangue sur le blog de Miss Pucinella. C'est une de mes meilleures amies et un cordon bleu de première catégorie !

lundi 14 février 2011

Libretto pour un Opéra (courge) !

Ce qui suit est à chanter sur un air d'opéra italien, à la Puccini, par exemple... Si vous le souhaitez, bien entendu... Essayez au moins d'en avoir en bruit de fond, Madame Butterfly et La Bohème n'ont jamais fait de mal à qui que ce soit !

Oyez ! Gentils lecteurs et charmantes lectrices,
Le ravissement que je vais ici conter.
Les plaisirs gastronomes ne naissent du vice
Que s'ils se montrent coupables de gras excès !
Oui, Dame Nature a ceci de surprenant
D'être la mère d'aimables végétaux,
La courge spaghetti* est l'un de ces enfants
Qui ravira, c'est sûr, votre monde bientôt !

Car nul ajout de graisse ne lui est nécessaire
Pour votre petite personne satisfaire...

Une silhouette ovoïde de 20 à
Bien 30 centimètres dans sa hauteur,
D'1,5 à 5 kilos pèsera,
C'est ainsi qu'on se doit de la choisir sans peur.
Blanche ou jaune orangée, unie ou bien strillée,
Un corps bien ferme sans une trace de mollesse
Oui, c'est bien ainsi qu'on doit la sélectionnée
Sans l'ombre d'une angoisse ou d'une sorte de stress.

La courge spaghetti n'est qu'une bonne amie
Qui ne vous veut aucun trouble ni aucun ennui.

D'autant qu'il est bien simple de la préparer :
Empoignez une pointe fine et acérée,
D'une main, attrapez le cucurbitacé
De l'autre, sans retenue, vous le poignardez.
Aucun épluchage n'est utile au préalable,
Il vous suffit d'allonger votre victime
Dans un grand plat** sans huile et sans graisse animale,
Puis au micro-onde cuisez le fruit du crime.

Pleine puissance, 10 minutes d'un côté.
Retournez. 10 minutes en plus pour l'achever.

La courge ramollie, coupez toute en longueur
Le corps du défunt végétal et découvrez
Ses filamenteuses entrailles, en amateur :
Elles ressemblent en tout points aux paste al dente.
Otez les quelques pépins présents en son coeur,
Salez et poivrez l'intérieur de la dépouille,
La courge est ainsi prête à livrer ses douceurs...
Ô Joie ! C'est bien meilleur que les très fines nouilles !

Ami végétarien ! Célibattant molasse !
Pour à peine 3 €uros, elle aura vos grâces*** !

CHORUS (en canon, c'est presque joli !)

Et notez qu'afin de lui rendre un digne hommage,
Vous pouvez la parer de ses plus beaux atours :

Une jolie carotte,
Un petit poireau,
deux belles tomates,
Tous coupés finement.
Huile d'olive,
Ciboulette,
Un peu d'ail.
Compotez !
Une sauce
À déguster !

*Je ne suis pas parvenu à intégrer ça à cette étrange chanson mais il faut le signaler : toutes les courges sont riches en vitamine A et en bêta-carotène (renforcement immunitaire) ! Et ça c'est chouette !
**Un tupperware ou un plat en pyrex fera l'affaire. Sachez aussi qu'on peut la faire cuire au four. Comptez une heure de cuisson environ. Pas besoin de la tourner. Surveillez juste qu'elle ne soit pas molle au point de s'aplatir.
***Notez que non seulement ce n'est pas trop mauvais marché mais qu'en plus ça se conserve longtemps, tant que c'est gardé dans un endroit frais et sec.

mercredi 2 février 2011

J'aime le goût du sang, au petit matin !

Je les avais repérée depuis belle lurettes, les garces. Elles sont arrivées d'Espagne, en cati-mini, dans la première moitié du XXème siècle et elles la jouent à la discrète, toute l'année, pour se pointer en plein hiver. Toujours quand on a besoin d'elles. Parce qu'elles le savent, j'en suis sûr, qu'elles sont attendue chaque année. C'est quand le monde a besoin du maximum de vitamine C, pour se protéger des divers virus qui traînent insidieusement, qu'elles viennent faire les belles sur les étales de vos commerçants. Cette année, les oranges sanguines, je les attendais du coin de l'œil.
Début février, on sent toujours un peu la déprime poindre comme une envie de crime. Le crime, aujourd'hui, j'ai envie de m'y exercer sur elles. Parce qu'elles ont cette prétention dérangeante de faire courir le bruit que ce sont elles, les fameuses pommes d'or du jardin des Hespérides. Franchement ! Nous faire croire que le musculeux Hercule les cherchait elles et pas une véritable pomme... Faut être sévèrement gonflé du bulbe pour sortir ça sans s'étouffer avec ses pépins, non ?
Toujours est-il que dés que je les ai vu arriver dans mes dernières livraisons la démangeaison meurtrière s'est éveillée et elle n'a cessé de croître... jusqu'à aujourd'hui.
Sans qu'elles s'y attendent, j'en ai choppé un bon kilo, je les ai bâillonnées et je les ai ramenées chez moi. J'ai jeté mon dévolu sur la famille Sanguinello. Ç'aurai pu être les filles des Tarocco, les plus riches en vitamine C, mais je n'ai pas encore l'envergure suffisante pour ça...
Au cœur de ma cuisine, je les ai trouvées imperturbables. La main tremblotante d'excitation, je les ai prise une a une et, de mon Opinel fraîchement affûté, je les ai tranchées en deux et j'ai fait couler leur sang... enfin leur jus, pardon (environ 600 ml) ! N'ayant soif que de leur hémoglobine, j'ai pris soin d'en retirer la pulpe. La pulpe, je n'aime pas ça. Mais j'ai malgré tout garder un peu de sa peau, un pas grand' chose du zeste d'une de mes victimes. Je suis un gourmet un rien fétichiste. J'aime remettre un peu de corps au nectar de ces dépouilles.
Tant de sang ne saurait me contenté, limité à ce seul sort. Je l'ai versé dans une casserole, y ai ajouté un verre (à liqueur) et demi de sucre de canne liquide et l'ai porté à ébullition. Auparavant, je dois l'avouer, j'y ai ajouter un sachet de poudre blanche... Pas de la drogue, non ! Je ne suis pas de ceux qui marchent à la dope. Je parle d'agar agar, un algue réduite en poudre, qui n'a ni goût ni odeur et qui a la faculté de gélifier après cuisson (2-3 grammes suffisent pour 1/2 litre de préparation). J'ai trouvé ma dose dans un magasin bio mais il me semble que la substance se trouve un peu partout, de nos jours. S'agit de connaître les bons dealers ! J'aurai pu utiliser de la gélatine, comme le commun des mortels, mais non ! Pas envie d'un goût de charogne à ce suc sanguinolent.
Alors que j'ai fait bouillir le sang de mes oranges pendant 30 secondes, j'ai entre temps sorti des pots de yaourt en verre. En bon criminel, j'ai un instinct de conservation quasi maniaque. Ces pots sont des reliques d'anciens forfaits acheter à la va-vite, entre deux rayons crèmerie.
J'ai versé le sang bouillonnant dans cinq verres. Je l'ai laissé refroidir puis j'ai planqué les preuves dans mon réfrigérateur pendant une nuit entière.
Ce matin, j'ai avaler les dernières traces de mon crime. Enfin, deux pots seulement. Le goût du meurtre avait quelque chose de délicieusement honteux. Accompagné d'un carré de chocolat, ça tient du péché originel.
Cette gelée d'orange sanguine (genre Mister Jelly !) m'a pris un gros 30 minutes en pressage manuel et cuisson. Une nuit de refroidissement... 2 minutes de délectation matinale pour une matinée en pleine forme...
Prêt à accomplir d'autres méfaits...

Reste plus qu'à être jugé... Pas par les forces de l'ordre, qui n'ont pas eu vent de mes actions ! Mais votre jugement à vous, lecteur...